Cette étude explore la notion de limite territoriale dans l’Égypte pharaonique avant le Nouvel Empire, en se concentrant sur le terme tƷš. Elle est issue d’un travail de thèse soutenu en septembre 2020.
Établie par l’autorité pharaonique, selon une norme, une rectitude et une légitimité d’origines divines, tƷš correspond avant tout à une limite territoriale instituée par le bornage. Les frontières de champs, de villes, de provinces et même de l’Égypte, résultent de la rencontre de limites institutionnelles et matérielles, inspirées des limites naturelles et idéologiques. Cette approche révèle une vision du monde organisée selon la dynamique de la Maât, administrant l’humanité et ses réalisations. Elle constitue également un puissant outil de contrôle au service des ambitions économiques et de la subsistance d’un corps social centralisé autour de la fonction pharaonique, marquant une différenciation spatiale. Ainsi, les enjeux liés à la frontière révèlent les responsabilités idéologiques de Pharaon, notamment celle de faire respecter l’intégrité des acquis spatiaux originels et de les accroître. Elle est réalisée (jrj), engendrée (wtṯ), établie (smn), ou peut advenir (sẖpr), soulignant sa création unilatérale. Son entretien implique protection (mkj), affermissement (rwḑ), consolidation (srwḏ) et même lutte armée (ꜣhƷ). Elle peut être fermée (ẖtm), mais son franchissement ou sa transgression soulignent sa porosité. L’idéal d’une frontière sacralisée et immuable se confronte à la réalité de sa spoliation (Ʒr) ou de sa destruction (fẖ). Inversement, le désir de la voir large ou s’étendre (wsẖ), (swsẖ) devient central à partir du deuxième millénaire.
En résumé, l’interprétation de tƷš révèle sa complexité intrinsèque. Ses graphies et contextes soulignent les nuances d’une limite physique réalisée par une partition intègre et équitable, inspirée de la division naturelle et élémentaire de l’espace terrestre. C’est une métaphore de la différenciation cellulaire se rapportant à la spatialité, dont les fondements sont divins, et qui sous-tend l’action démiurgique transmise à la fonction pharaonique. tƷš reflète à la fois l’autorité divine et une imposition politique dans la définition et la gestion territoriale de l’Égypte, au travers d’une empreinte matérielle. Cette charge idéologique se confronte à la réalité pratique de l’espace parcouru et habité par des populations et des logiques différentes, induisant une vision plurielle et vivante de tƷš. Barrière immuable d’un côté, lieu de passage et d’attractivité de l’autre, tƷš est façonnée par une autorité forte, souvent par des acteurs sous-représentés. Les convergences et divergences autour de tƷš mettent en lumière les évolutions de la notion de frontière, reflétant des revendications territoriales de plus en plus précises et étendues du pouvoir politique. La gestion matérielle de tƷš présente une continuité sur la période d’étude, mais l’organisation spatiale de l’Égypte semble refléter des tensions et des enjeux croissants, observables par l’emploi du terme et ses représentations physiques. Finalement, tƷš apparaît comme la matérialisation sensible de l’idéologie culturelle et religieuse d’un groupe humain, dont la seule constante est le changement.